Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/69

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l’avant-bras, c’était une apparition de jeunesse à la croire la très grande sœur de la petite fille qui jouait près d’elle comme la veille, mais cette fois avec un cerceau. Un des ruisseaux épanchés de la montagne vers le Rhin contournait, à travers les saulaies, l’espèce de quinconce que Madeleine avait choisi pour sa retraite. Comme le baron Favelles et le commandant s’approchaient, Charlotte les aperçut, et dans une de ces crispations de mouvements que la timidité inflige aux enfants trop nerveux, elle donna un coup de baguette si maladroit que le cerceau roula dans la petite rivière. L’enfant jeta un léger cri qui fit se relever la tête de sa mère. La petite se tenait sur le bord de l’eau immobile, les bras pendants, consternée de voir le fragile objet emporté par le flot rapide. Le cerceau allait, allait, pliant encore les herbes déjà courbées par le courant, contournant les pierres autour desquelles cette eau écumait en blanche mousse, jusqu’à ce qu’il s’arrêtât quelques secondes, retenu dans un petit coude que faisait le ruisselet. On voyait le bois mince émerger de l’eau, et se mouvoir, tantôt projeté vers la terre, tantôt attiré vers la pointe de cette sorte de cap. Une poussée plus forte du courant, la pointe serait doublée, et le cerceau emporté au loin… Tout à coup, Charlotte jeta un nouveau cri, de surprise cette fois et d’espérance. Brissonnet venait de franchir d’un bond cette largeur du ruisseau.