Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/75

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distance, et s’arrêtait à chaque minute, en reniflant. La femelle, indifférente à tout excepté à ses petits, les exerçait à marcher. Les lionceaux faisaient cinq pas, six, sept, gauchement, sur leurs grosses pattes, puis ils roulaient. La mère, couchée sur le dos, jouait alors avec eux. Elle les forçait à se redresser de nouveau ; les six ou sept pas de marche recommençaient, et la chute, et les jeux… Cette étrange famille mit au moins une heure à traverser l’espace illuminé par la lune, et à disparaître dans la forêt… Je n’eus pas une seconde l’impression du péril, mais que j’assistais à une merveilleuse scène de la vie primitive. Cette visite de ces quatre lions, la nuit, ç’a été une fête, un spectacle comme je n’en ai jamais vu dans les plus célèbres théâtres… Monsieur le baron, vous me trouvez bien naïf, n’est-ce pas ?… »

Favelles s’était mis à rire en effet sur ces derniers mots. L’explorateur ajouta, prenant cette expression presque enfantinement effarouchée qu’il avait quelquefois : – « J’aurais dû me défier. Entre un Parisien comme vous et un Africain, la partie n’est pas égale. Vous vous moquez de moi. Avouez-le. »

– « Pas le moins du monde, » dit vivement Favelles. « Mais quand vous avez prononcé le mot de théâtre, j ‘ai pensé qu’il n’y a pas besoin d’aller si loin pour jouir d’un spectacle comme celui que vous décrivez si joliment… Votre