Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/89

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austères moralistes, le sourire avec lequel elle répondit de nouveau au commandant, quand il eut enfin osé la saluer, – sourire si charmant que le jeune homme, après s’être promis à lui-même de s’éclipser aussitôt, par crainte d’être indiscret, accepta au contraire l’offre du baron Favelles et s’assit à leur table ? Celui-ci, continuant son rôle de cornac avec d’autant plus de verve qu’il en constatait le succès, aiguillait la conversation dans le même sens que la veille :

– « Hé bien ? » disait-il à Brissonnet en lui montrant d’un geste le tableautin délicieux que formait l’angle du parc, terminé en un jardin planté de roses, avec l’horizon des montagnes là-bas, bleuâtres et profilées à travers les arbres : « Vous ne regrettez pas l’Afrique aujourd’hui ?… Ragatz vous réussit. Vous n’avez plus l’air fatal que je vous ai tant reproché à Paris, quand nous nous sommes vus après votre communication au Comité. Vous vous souvenez ?… Maintenant, j’avoue qu’il y avait de quoi. On deviendrait morose à moins… Vous ne vous figurez pas, madame, » ajouta-t-il en s’adressant à Madeleine, « à quelles persécutions le colonel Marchand et ses compagnons ont été en butte de la part de nos affreux politiciens… » Et il allait entamer un récit que l’officier interrompit :

– « N’ennuyez pas Mme Liébaut de ces misères, monsieur le baron. Si je vous les ai dites, à