Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/92

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– « Ces officiers ne servaient pas dans une armée vaincue et humiliée, » répondit Brissonnet. Ce court dialogue entre ces deux représentants de deux générations, celle d’avant la guerre de 70 et celle d’aujourd’hui, sur qui pèsent, avec le souvenir du désastre non vengé, de plus récentes et si dures épreuves, acheva d’émouvoir Madeleine à une profondeur singulière. Ce trouble excessif dénonçait déjà les orages futurs dont cette conversation et d’autres semblables allaient être le prélude. Madeleine s’en doutait si peu qu’une fois rentrée dans la solitude de sa villa, et quand elle se retrouva devant sa petite table à écrire où l’attendait le papier préparé pour la lettre quotidienne à son mari, elle n’eut pas une seconde l’idée de taire un détail de ce nouvel entretien. Sa plume courait sur le papier, rapportant, une par une, les moindres paroles de Brissonnet. Son innocence était si entière qu’elle insista sur le charme qu’auraient les rapports du médecin et de l’officier, s’ils devenaient un jour beaux-frères, étant donnée cette similitude dans leurs manières de penser. Elle annonçait encore dans cette lettre que Favelles les avait priés, elle et sa petite fille, à une longue partie de voiture pour le surlendemain, et qu’elle avait accepté. Le commandant devait en être. Le but était le défilé de Luziensteig, sur la frontière de la Suisse et de l’Autriche. On reviendrait par le Rhin et Maienfeld. Madeleine