Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/105

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papier rouge, sur les reliures de ses chers livres, sur la cheminée dont le marbre supportait quelques photographies dans des cadres de cuir. Le portrait de sa mère était là, — pauvre mère, morte avant d’avoir assisté à la réalisation de sa plus ardente espérance, elle, autrefois si orgueilleuse des morceaux, plus ou moins bien venus, qu’elle rencontrait parmi les papiers de son fils, en rangeant la chambre ! La photographie du père était là aussi, mélancolique visage rongé par l’alcool. Bien souvent René avait songé qu’une espèce d’impuissance secrète de sa propre volonté lui avait été transmise par cet homme malheureux. Mais, par ce lendemain de fête, il n’était pas d’humeur à réfléchir sur les coins tristes de sa vie, et ce fut avec une joie d’enfant qu’il frappa deux ou trois coups dans la ruelle de son lit. Il appelait ainsi Françoise, le matin, pour que la brave fille vînt ouvrir les rideaux et les volets. À la place de la bonne, Émilie entra, et, les persiennes une fois rabattues, ce fut le visage aimant et le sourire de sa sœur que le jeune homme aperçut, un sourire tout empreint de la plus confiante curiosité.

— « Un triomphe… » répondit-il joyeusement à la muette interrogation d’Émilie.

La jeune femme battit des mains comme une petite fille ; elle vint s’asseoir au pied du lit de