Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/118

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chappé à la double vue de celle qui l’aimait. Il avait un peu honte, d’autre part, d’être si plébéien dans cette griserie de luxe. Il avait donc parlé de ses impressions, comme s’il n’en eût pas été dupe, en partie afin de rassurer Rosalie et de lui épargner une peine inutile, en partie afin de se permettre cette petitesse, sans trop se la reprocher. Pour certaines natures, — et l’habitude du dédoublement moral les rend fréquentes parmi les écrivains, — raconter ses fautes, c’est se les pardonner. Celui-là se complut, tout en défendant Claude Larcher, à reprendre le détail de ses propres enivrements, avec une nuance d’ironie qui aurait trompé des observateurs plus fins qu’une enfant amoureuse. Tout en se moquant à demi de ce qu’il appela lui-même son Snobisme, et il expliqua ce mot d’origine anglaise aux deux femmes, il continuait de se livrer à la misère des petites remarques qui se multipliaient en lui depuis la veille. Il ne pouvait se retenir de mesurer en pensée l’abîme qui séparait les créatures entrevues chez madame Komof, — roses vivantes poussées dans la serre chaude de l’aristocratie européenne, — et la petite provinciale de Paris au teint plombé, aux doigts fatigués par le travail, aux cheveux simplement noués, à la tournure si modeste qu’elle en était gauche. Petit à petit, cette comparaison devint presque douloureuse, et le