Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/119

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jeune homme subit un de ces accès de sécheresse intérieure qui déconcertaient son amie. Elle les apercevait toujours, sans jamais en comprendre la cause. Elle connaissait si bien René ! … Elle savait d’instinct que deux êtres existaient en lui, côte à côte, l’un doux, bon et tendre, facile à l’émotion, incapable de supporter sa peine, enfin le René qu’elle aimait, — et un autre, atone, étranger à elle, irrité contre elle… Mais le lien qui unissait ces deux êtres, elle ne le saisissait pas. Ce qu’elle comprenait, c’est qu’avant le succès triomphal du Sigisbée, elle ne voyait presque jamais que le premier de ces deux René, et, depuis, que le second. Elle n’osait pas dire : « le malheureux succès… » Elle en avait été si fière ! Pourtant elle aurait tant souhaité en revenir à l’époque où son ami était inconnu, et pauvre, et si à elle ! … Que sa voix pouvait se faire aisément dure, si dure que même les phrases adressées à une autre, lui semblaient, par leur seule intonation, dirigées contre son cœur ! En ce moment, c’était avec sa mère qu’il causait, et rien que l’accent avec lequel il prononçait des paroles bien innocentes, faisait mal à Rosalie. Cependant madame Offarel qui paraissait depuis quelques secondes toute préoccupée, se leva brusquement.

— « J’entends Cendrette qui gratte, » dit-elle ; « la mignonne veut sortir. »