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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/126

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préparé à quelque grande dame d’une aristocratie un peu artificielle, par l’absence totale de boutiques au rez-de-chaussée de ses maisons, par l’opulence de quelques-uns de ses hôtels et le caractère à demi provincial de ses jardins entourés de murs. Une inévitable association d’idées ramena le souvenir de René vers l’hôtel Komof, et, presque aussitôt, la pensée de la seigneuriale demeure de la comtesse réveilla en lui, pour la quatrième fois de la journée, l’image, de plus en plus nette, de madame Moraines. Cette fois son âme, fatiguée des émotions chagrinantes qu’elle venait de traverser, s’absorba tout entière dans cette image au lieu de la chasser. Songer à madame Moraines, c’était oublier Rosalie et c’était surtout se détendre dans une sensation uniquement douce. Après quelques minutes de cette contemplation intime, le dévidement naturel de sa rêverie conduisit le jeune homme à se demander : « Quand la reverrai je ? » Il se rappela la voix et le sourire qu’elle avait eus pour prononcer ces mots : « Les jours d’Opéra, avant le dîner… » Les jours d’Opéra ? Cet apprenti élégant ne les connaissait même point. Il éprouva un plaisir enfantin, et hors de proportion avec sa cause apparente, celui d’un homme qui agit dans le sens de ses plus inconscients désirs, à gagner précipitamment le boulevard des Invalides où il