Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/128

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vingt-quatre heures après l’avoir quittée ? … » — « Bah ! répliquait la voix tentatrice, l’occasion inspire. » — « Mais je ne suis pas seulement habillé… » Il n’avait qu’à passer rue Coëtlogon, « Mais je ne sais pas même son adresse… » — « Claude la sait. Je n’ai qu’à la lui demander. » Quand l’idée d’une visite à son ami lui eut traversé l’esprit, il sentit qu’en tous cas il lui serait impossible de ne pas mettre du moins cette part de son projet à exécution. Aller chez Claude, c’était faire le premier pas du côté de madame Moraines ; mais, au lieu de se l’avouer, René eut la petite hypocrisie de se donner d’autres raisons : ne devait-il pas à son ami de prendre de ses nouvelles ? Il l’avait quitté si malheureux la veille, si évidemment crispé. Peut-être pleurait-il comme un enfant ? Peut-être se préparait-il à chercher querelle à Salvaney ? Le poète justifiait ainsi la hâte avec laquelle il se dirigeait maintenant vers la rue de Varenne. Ce n’était pas seulement l’adresse de Suzanne qu’il espérait obtenir, c’était encore des renseignements sur elle, — et il s’ingéniait à se démontrer qu’il remplissait simplement un devoir d’amitié.

Il aperçut le tournant de la rue de Bellechasse, puis la porte cochère de l’étrange maison où Larcher avait élu domicile. Elle était en travers, cette porte, et, une fois poussée, on se trouvait