Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/133

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visite à laquelle son maître n’avait évidemment pas songé.

— « Non, » répondit le domestique presque à voix basse, « mais Mme Colette est là. »

— « Demandez-lui s’il veut me recevoir une minute, » fit le poète curieux de savoir quelle attitude les deux amants observaient vis-à-vis l’un de l’autre, après la scène de la veille, et il ajouta : « Je prends tout sur moi » pour achever de vaincre l’hésitation du valet de chambre.

— « Monsieur peut monter, » revint dire ce dernier, et il précéda le jeune homme à travers l’antichambre, puis le long du petit escalier intérieur qui conduisait aux trois pièces où Claude se tenait d’ordinaire et qu’il appelait suivant le cas son « pensoir » ou son « souffroir. » L’aspect de cet escalier et des deux premières de ces trois pièces étonnait par l’abus des étoffes et des tapis. Un jour artificiel, tamisé par des carreaux de couleur, éclairait à peine, durant cette après-midi de février, les chaises de maroquin du fumoir et le vaste salon dont les murs disparaissaient sous les livres. Le séjour favori de l’écrivain était un réduit, au fond, tendu d’une étoffe sombre sur laquelle se détachaient des toiles et des aquarelles des peintres les plus modernes de cette époque, ceux que préférait la fantaisie volontiers outrancière du maître du logis. C’était deux loges de