Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/147

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la porte de cette Suzanne, entrevue la veille une heure. Il aurait marché sur le cœur de Rosalie plutôt que de ne pas franchir cette porte, maintenant. Si d’ailleurs ce souvenir lui revint une dernière fois, il dut se dire le : « Elle ne le saura pas, » de toutes les trahisons de cet ordre, et il passa outre.

La maison où habitait madame Moraines offrait cet aspect compliqué, grâce auquel les architectes modernes des quartiers élégants savent donner une demi-physionomie d’hôtel privé à de simples constructions de rapport, distribuées en appartements. Elle était haute, avec une profusion de fenêtres de style, et séparée de la rue par une cour que fermait une grille. La loge du concierge consistait en une sorte de pavillon gothique, situé précisément au centre de cette grille ; et quand René demanda si madame Moraines était à la maison, il put voir, à l’intérieur de cette loge, une pièce plus lustrée, plus cirée et mieux meublée que le salon des Offarel dans les soirs de grande réception. L’ancien soldat, décoré de la médaille militaire, à qui ce pavillon servait d’Invalides, aurait répondu négativement à la question du jeune homme que ce dernier lui aurait presque dit merci, tant son émotion était soudain devenue pénible, à force d’être intense. Il entendit ces mots : « Au fond de la