Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/157

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avec une espèce d’exaltation contenue. « Ce Dieu ne permettra pas que les magnifiques dons qu’il vous a prodigués soient stérilisés par le scepticisme… Car vous êtes religieux, j’en suis sûre, et bon catholique ? »

— « Je l’ai été, » répondit-il.

— « Et maintenant ? » fit-elle avec une expression presque souffrante de son visage.

— « J’ai bien des journées de doute, » répliqua-t-il avec simplicité. Elle se tut, et lui se mit à regarder, sans parler et avec une admiration quasi stupide, cette femme qui trouvait en elle, parmi le tourbillon de la vie élégante, de quoi respirer dans une atmosphère de si hautes, de si nobles idées. Il ne se dit pas qu’il y a quelque chose d’avilissant, et comme un cabotinage sentimental de l’ordre le plus bas, à étaler ainsi, devant un inconnu, — et qu’était-il pour elle ? — les plus intimes, les plus vivantes d’entre les convictions du cœur. Lui qui connaissait pourtant dans son oncle, l’abbé Taconet, un exemplaire accompli de l’âme vraiment chrétienne, il ne fut pas étonné que madame Moraines eut mêlé ensemble, dans une même phrase, deux choses aussi complètement étrangères l’une à l’autre : la croyance en Dieu et le don d’écrire des pièces de théâtre en vers. Il ne savait rien, sinon que, pour entendre cette voix lui parler encore, pour