Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/174

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si jolie ainsi que Paul l’attira vers lui et l’embrassa longuement, cherchant sa bouche. D’ordinaire elle ne la refusait jamais. Trouvait-elle, dans les complications de sa nature, de quoi garder, par dessous tout le reste, une espèce de sympathie physique pour ce beau et honnête garçon, qu’elle trompait d’une manière cruelle ? Quelle idée passa devant ses yeux, qui lui rendit soudain ce baiser insupportable ? Elle repoussa son mari presque brusquement, en lui disant :

— « Allons, laisse-moi, » et, pour corriger ce que son accent avait eu de trop dur, elle ajouta : « Entre vieux époux, c’est ridicule ; adieu, j’ai à peine le temps de m’habiller. »

Et elle passa dans sa chambre à coucher, puis dans son cabinet de toilette. De toutes les pièces de son intérieur, c’était celle-là où se révélait le plus complètement le profond matérialisme qui faisait le fond de cette nature. Sa femme de chambre, Céline, une grande fille brune aux yeux impénétrables, commença de la dévêtir, dans ce tiède gynécée, aussi capitonné, aussi opulent que celui d’une royale courtisane ; et qui l’aurait vue à ce moment, aurait compris qu’elle était capable de tout pour conserver autour de sa personne cette atmosphère de suprême raffinement. À travers la chemise de batiste transparente, son corps se dessina, souple