Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/180

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qui cette complaisance portât préjudice ? Elle était sa maîtresse, mais ces amours avaient pris un air de régularité qui les rendait presque conjugales. Elle était si bien habituée à ce compromis de sa conscience qu’elle se considérait, sinon tout à fait comme une honnête femme, du moins comme une personne très supérieure en vertu à nombre de ses amies dont elle savait les multiples intrigues. Si cette conscience lui adressait quelque reproche, c’était d’avoir, deux ans après le commencement de sa liaison avec Desforges, trompé ce charmant homme avec un clubman très à la mode, qu’elle avait enlevé, à l’époque des courses de Deauville, à une des femmes de son intimité. Mais ce personnage avait failli la compromettre d’une telle manière, elle avait si vite reconnu le vaniteux égoïsme de l’homme à bonnes fortunes, qu’elle avait été trop heureuse de rompre tout de suite cette aventure. Elle s’était bien juré de s’en tenir aux douceurs de son ménage à trois, entre la gentilhommerie de Paul et le galant épicuréisme du baron. Et elle s’y était tenue depuis lors, avec une telle correction d’attitude, que sa bonne renommée était défendue— autant qu’elle pouvait l’être, dans la place enviée que lui faisait sa beauté. Elle avait des rivales trop habituées à chiffrer un budget pour ne pas savoir que les Moraines vivaient sur le pied de