Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/215

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tentions d’élégance, chaque fois qu’un coup de collier à donner le rendait à sa vraie nature. Et ces coups de collier revenaient souvent. Comme tous les ouvriers de lettres dont le temps est le seul capital, et qui n’organisent pas leur vie en conséquence, Claude était sans cesse en retard d’œuvres et d’argent, surtout depuis que sa liaison avec Colette le précipitait dans la plus ruineuse des dépenses, celle que font les jeunes gens avec les maîtresses qu’ils n’entretiennent pas. L’actrice avait bien, outre ses appointements du théâtre, vingt mille francs de rente viagère légués par un ancien amant, un grand seigneur russe, tué sous Plewna ; mais les voitures, les bouquets, les dîners, les cadeaux se succédaient, exigeant des billets de banque et encore des billets de banque. Le produit des deux comédies était loin, et Claude les gagnait, ces malheureux billets bleus, dans l’entre-deux de ses énervantes débauches, en surchauffant son cerveau.

— « Vous voyez, » dit-il en relevant sa face pâlie, et serrant les doigts de René d’une main fiévreuse, « encore à la tâche ! … Quinze feuilletons à fournir tout de suite… Une affaire superbe avec la Chronique Parisienne, le nouveau journal à huit pages, dont Audry fait les fonds ! Ils sont venus, l’autre jour, me demander un roman. Un franc la ligne. Je leur ai dit que