Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/330

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baisers nouveaux qui n’avaient pas la monotonie connue de ceux de Paul, — baisers ardents comme l’homme de vingt-cinq ans qui les lui donnait, qui les lui prodiguait, — baisers si frais, qui lui arrivaient d’une bouche aussi pure que la sienne et qu’accompagnaient des paroles de tendresse empreintes de la plus délicieuse poésie, — enfin un régal exquis de courtisane blasée auquel il lui fallait s’arracher, avec effort ! Vers midi elle devait se rhabiller, et René lui servait enfantinement de femme de chambre, la regardant se coiffer elle-même avant de passer sa robe, avec adoration. Elle avait ses beaux bras levés, sa taille prise dans son mince corset de satin noir. Son jupon de soie molle et parfumée, un peu court, laissait voir ses bas où se moulaient ses jambes fines. Il s’approchait d’elle, et sa bouche courait sur ses épaules nues qui frémissaient avant de disparaître sous l’étoffe hypocrite du corsage… Et puis, quand elle était partie, il demeurait là tout le jour, se faisant servir à déjeuner par madame Raulet dans le salon, soi-disant pour travailler, — car il avait apporté sa serviette remplie de papiers, — en réalité pour se repaître de souvenirs dans la chambre à coucher dont le désordre lui attestait qu’il n’avait pas rêvé ! Il ne s’en allait qu’au crépuscule, traversant, pour gagner la rue Coëtlogon, tout le Paris qu’étoilent les