Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/348

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monde, et les trois autres des amis de l’actrice, d’un ordre un peu inférieur. L’un des deux personnages en frac était Salvaney, qui ne reconnut pas René. Lui et son camarade étaient les seuls assis, sur une chaise longue recouverte d’une ancienne robe chinoise de satin vieux rose. C’était Claude qui avait donné cette robe à Colette, lui qui avait présidé, dans les temps heureux de leurs amours, à l’arrangement de toute la loge. Il avait couru huit jours Paris pour assortir les panneaux encadrés de bambous qui paraient les murs tendus d’une étoffe grisâtre. Trois de ces panneaux représentaient des Chinoises peintes sur de la soie de nuance claire. Sur le plus large, tout en satin noir, comme la portière, des ibis blancs volaient, parmi des muguets et des fleurs de pêcher. Des éventails aux couleurs vives et des bouquets de plumes de paon, dans les intervalles, au plafond un grand dragon d’or aux yeux d’émail, achevaient de donner à ce coquet réduit son charme original. Colette était en train de faire sa figure, au milieu de ces cinq hommes, les cheveux mal noués, les bras nus dans les larges manches d’un peignoir d’une souple étoffe d’un bleu très clair. Devant elle, la table de toilette étalait, sur son tapis d’écorce d’arbre frangé, l’arsenal des boîtes de porcelaine remplies de pommade. Les poudres blanches, jaunes, roses, emplissaient