Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/364

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vérité ? Certes le détail était sans importance. Mais un mensonge, petit ou grand, est toujours un mensonge. Après tout, peut-être Desforges se trouvait-il seulement en visite dans la loge, et durant l’entracte ? Cette explication était si naturelle, si péremptoire aussi, que René l’adopta tout de suite. Il allait d’ailleurs la vérifier sans plus tarder. Il retourna au contrôle et se fit donner un des fauteuils d’orchestre du fond, à gauche. Il avait calculé que, de cette place, il aurait le plus de chance d’observer la loge des Moraines en toute liberté… La salle se remplit de nouveau, les trois coups résonnèrent, le rideau se leva. Desforges ne partit point de cette loge. Il restait assis sur le même siège du fond, penché du côté de Suzanne, échangeant des remarques avec elle… Mais pourquoi non ? Sa présence ne pouvait-elle pas s’expliquer de mille manières, sans que Suzanne eût menti en s’en taisant ? Pourquoi Moraines ne l’aurait-il pas invité à l’insu de sa femme ? Il parlait familièrement à cette dernière, et elle lui répondait de même. Mais lui, René, ne l’avait-il pas rencontré chez elle ? Un homme du monde cause, pendant le spectacle, avec une femme du monde. Est-ce que cela prouve qu’une liaison ignoble d’adultère et d’argent existe entre eux ? Le poète raisonnait de la sorte, et ce raisonnement lui aurait semblé