Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/398

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— « Mais, malheureux ! » s’écria René, « puisque vous saviez, vous, que c’était une fille, pourquoi m’avez-vous vendu à elle ? Et encore, si vous n’aviez parlé que de moi, je vous pardonnerais… »

— « Passons à ce second point, » interrompit Claude avec sa même voix méthodique et résolue, « c’est-à-dire au second mensonge. Elle vous a raconté que je lui avais appris les relations de madame Moraines et de Desforges. C’est faux. Elle les savait, depuis longtemps, par tous les Salvaneys avec qui elle a dîné, soupé, flirté et le reste… Non, René, s’il y a un reproche que je m’adresse, à moi, ce n’est pas d’avoir causé de madame Moraines avec elle, je ne lui en ai rien dit qu’elle ne connût mieux que moi… C’est de ne pas en avoir parlé à cœur ouvert avec vous, lorsque vous êtes venu chez moi. Je n’ignorais rien des turpitudes de cette Colette du monde, et je ne vous les ai pas dénoncées, quand il en était temps encore ! … Oui, je devais parler, je devais vous avertir, vous crier : Courtisez cette femme, séduisez-la, ayez-la, ne l’aimez pas… Et je me suis tu ! Ma seule excuse, c’est que je ne la jugeais pas assez désintéressée pour entrer dans votre vie comme elle l’a fait… Je me disais : il n’a pas d’argent, il n’y a pas de danger… »

— « Ainsi, » s’écria René qui se contenait à