Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/404

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brave domestique, « est-ce que vous allez être comme Monsieur, à vous brûler le sang ? »

— « Mon Dieu ! Que se passe-t-il ? » s’écria Claude quand René entra dans le fameux « souffroir. » L’écrivain était assis à sa table, qui travaillait en fumant. Il jeta sa cigarette, et, à son tour, son visage exprima l’anxiété la plus vive.

— « Vous aviez raison, » dit René d’une voix étranglée, « c’est la dernière des femmes. »

— « L’avant-dernière, » interrompit Claude avec amertume, et, parodiant le mot célèbre de Chamfort : « il ne faut par décourager Colette… Mais qu’avez-vous fait ? »

— « Ce que vous m’avez conseillé, » répondit René avec une âpreté d’accent singulière, « et c’est moi qui viens vous demander pardon d’avoir douté de vous… Oui, je l’ai épiée. Quelles sensations ! Un jour, deux jours, trois jours… Rien. Elle a fait des visites, couru des magasins, mais Desforges est venu rue Murillo chacun de ces jours-là ! Quand je le voyais entrer, du fond de mon fiacre qui stationnait au coin de la rue, j’avais des sueurs d’agonie… Enfin, aujourd’hui, à deux heures, elle sort en voiture. Mon fiacre la suit. Après deux ou trois courses, sa voiture arrête devant Galignani, vous savez, le libraire anglais, sous les arcades de la rue de Rivoli. Elle en descend. Je la vois qui