Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/448

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viendrait pas. Cette femme, habituée, depuis sa première jeunesse, à toujours aller jusqu’au bout de son désir, subit, à cette évidence, un véritable accès de désespoir. Elle se mit à pleurer comme une enfant, et de vraies larmes qui tombaient, tombaient, sans qu’elle songeât à jouer la comédie, cette fois. Elle voulut écrire, puis, quand elle eut trouvé du papier dans le buvard que son amant laissait sur la table du milieu, ouvert l’encrier, pris la plume, elle repoussa tous ces objets en se répétant : « À quoi bon ? » et, pour laisser une trace de son passage, si René venait après son départ, elle posa sur cette table ce mouchoir parfumé avec lequel elle avait essuyé ses larmes amères. Elle se dit : « Il aimait ce parfum ! … » Auprès de ce mouchoir, elle mit aussi ses gants qu’il lui boutonnait toujours à leurs fins de rendez-vous ; et elle partit, la mort dans le cœur, après être allée dans la chambre à coucher où le lit dormait sous son couvre-pied de dentelle. Qu’elle avait été heureuse dans cette chambre ! Était-ce bien possible que ces heures-là fussent passées— et pour toujours ?