Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/462

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qui survivait en lui, malgré tout, aspirait vers cette heure du crépuscule, où la détresse de la lumière s’accorde trop bien avec la détresse intime. Car, dans les ténèbres commençantes, il pouvait goûter la douceur des larmes. C’était l’heure aussi que sa pauvre sœur redoutait pour lui davantage. Ils s’étaient réconciliés dès le lendemain de leur dispute :

— « Tu es fâché contre moi, toujours ? » était-elle venue lui demander, avec cette grâce dans le retour, propre à la véritable tendresse.

— « Non, » avait-il répondu, « tous les torts étaient à moi ; mais je t’en conjure, si tu ne veux pas me revoir injuste et mauvais comme l’autre jour, ne me parle plus jamais de ce dont tu m’as parlé… »

— « Plus jamais, » avait-elle dit, et elle tenait sa promesse. Cependant elle voyait son frère dépérir, ses joues se creuser encore, et surtout un feu sombre brûler au fond de ses yeux, qui lui faisait peur ; et c’est pour cela qu’à cette heure dangereuse de la fin du jour, elle venait s’asseoir auprès de lui. Fresneau était au Luxembourg qui promenait Constant. Elle avait trouvé un prétexte pour rester à la maison. Elle prenait la main de ce frère adoré, et cette muette caresse attendrissait l’infortuné, démesurément. Il répondait à cette étreinte, sans parler non plus. Cette