Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/494

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Émilie se tenait avec la petite Offarel dans cette salle à manger où Claude avait été accueilli si souvent par un bienfaisant tableau d’intimité. Le docteur venait sans doute de sortir, car une odeur d’acide phénique remplissait la chambre, comme après un pansement. Une fiole de cette substance, marquée d’une étiquette rouge, traînait sur la table à côté d’une potion, près d’une soucoupe, et parmi des morceaux de coton coupés en carré. Des bandes de linge enroulées, du taffetas, un pot de pommade, étiqueté de rouge comme la fiole et couvert d’un papier métallique, des épingles de nourrice, une ordonnance timbrée achevaient de donner à cette pièce une physionomie de chambre d’hôpital. La pâleur d’Émilie révélait assez les émotions qu’elle avait traversées depuis quarante-huit heures. La vue de l’écrivain produisit sur elle le même effet que sur Françoise. Il lui rappelait trop, par sa seule présence, les journées anciennes où elle avait été si orgueilleuse de son René. Elle fondit en larmes, et, en lui tendant la main, elle lui dit :

— « Comme vous aviez raison ! … »

Rosalie, elle, avait jeté au visiteur un regard aussi explicite que si elle l’eût accusé de vive voix du suicide de René. Il y avait dans ces yeux de jeune fille une telle rancune, l’arrêt exprimé