Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/497

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Non ! il ne nous aime pas, il ne nous a jamais aimés ! … »

Comme elle se lamentait ainsi, montrant à nu la plaie de son âme, cette souffrance de la tendresse prodiguée en vain que connaissent surtout les mères, l’abbé Taconet parut sur le seuil de la porte de la chambre du malade. Il serra la main à Claude, auquel il avait pardonné d’avoir jadis quitté l’école Saint-André sans crier gare, et il répondit au double regard inquisiteur de sa nièce et de Rosalie :

— « Il va reposer, et moi, il faut que je regagne mon école. »

— « Me permettez-vous de vous accompagner ? » fit Claude.

— « J’allais vous le demander, » dit le prêtre.

Les premières minutes durant lesquelles les deux hommes marchèrent ensemble furent silencieuses. L’abbé Taconet en avait toujours imposé à Larcher par un de ces caractères irréprochables qui contrastent trop avec la bassesse des mœurs courante pour que leur seule existence ne constitue pas un blâme constant au regard d’un enfant du siècle, comme était l’écrivain, perdu de vices et affamé d’idéal. Encore maintenant et tandis que l’abbé allait auprès de lui de son pas un peu lourd, il le regardait, en songeant aux abîmes moraux qui le séparaient de ce prêtre. Le directeur