Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Un de mes amis que vous devez connaître, Claude Larcher. »

— « Un homme charmant, » fit-elle, « et qui n’a qu’un défaut, celui de penser beaucoup de mal des femmes. Ne le croyez pas trop, » ajouta-t-elle avec ce même sourire un peu timide, « vous vous gâteriez… Ce pauvre garçon a toujours eu la spécialité d’aimer des coquettes et des coquines, et la faiblesse de croire que toutes leur ressemblent. »

En prononçant cette phrase, ses yeux exprimaient la plus délicate tristesse. Il y avait de tout sur son joli visage, depuis la fierté d’une personne qui a dû souffrir, comme femme, des cruautés d’un écrivain misogyne, jusqu’à de la pitié pour Claude, et aussi une espèce de crainte discrète que René ne fût induit à mal juger les choses du cœur, qui impliquait une muette estime de sa nature. Un silence suivit, pendant lequel le jeune homme se surprit à se réjouir que son ami fût absent. Il aurait souffert s’il lui avait fallu, après ce souper, entendre des paradoxes outrageants comme ceux que l’amant jaloux de Colette avait débités dans la voiture durant le trajet de la rue Coëtlogon à la rue du Bel-Respiro. Ah ! qu’il avait eu raison de protester en lui-même contre les flétrissantes théories de Claude, même avant de connaître une seule de