Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/99

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ces femmes de la haute société vers lesquelles l’attirait une invincible espérance de rencontrer celle qu’il aimerait sans retour ! Et il écoutait madame Moraines parler des mélancolies que cache si souvent la vie mondaine, des vertus secrètes qui s’y dissimulent sous la frivolité apparente, des œuvres de charité, par exemple, auxquelles prenaient part telle et telle de ses amies… Elle disait cela, simplement, doucement, sans qu’une seule intonation trahît autre chose qu’un profond amour du Bien et du Beau, et puis, avec une espèce de divine pudeur d’avoir ainsi étalé ses sentiments, et comme on se préparait à se lever de table :

— « Voilà une conversation bien étrange pour un souper, » fit-elle, « on a dû vous dire tant de cinq à sept que je n’ose pas vous prier de venir chez moi… Quand vous passerez par-là, les jours d’Opéra, avant le dîner, j’y suis toujours. Vous verrez mon mari qui n’était pas ici ce soir… Il était souffrant… Il a voulu que je vienne, à cause de la comtesse qui nous avait tant priés… Ce qui prouve, » ajouta-t-elle en serrant la main du jeune homme, « qu’on est quelquefois récompensée de remplir ses devoirs, même ceux du monde. »