se sentir penser est un épanouissement, que répond-il ?
Ah ! tout cela , jeunesse, amour, joie et pensée,
Chants de la mer et des forêts, souffles du ciel,
Emportant à plein vol l’espérance insensée.
Qu’est-ce que tout cela qui n’est pas éternel[1] ?
Voilà le cri de la sensibilité qui frémit de se
perdre et s’en épouvante, — voilà le cri surtout du
poète, chez lequel cette sensibilité s’exaspère dix
fois plus vite que chez les autres hommes. Et
comment supporterait-il sans torture la théorie
qui représente précisément le monde comme la
fuite indéfinie de toutes choses et de
nous-mêmes ? Cette torture se retrouve constamment
chez M. Leconte de Lisle, exprimée en des vers
d’une magnificence extraordinaire et d’une
adorable mélancolie. Il faut lire, dans la Fontaine aux lianes,
l’apostrophe au jeune homme qui est
venu mourir sous les eaux d’un étang perdu
parmi des arbres séculaires.
Tel je parlais. Les bois, sous leur ombre odorante,
Épanchant un concert que rien ne peut tarir.
Sans m’écouter, berçaient leur gloire indifférente,
Ignorant que l’on souffre et qu’on puisse en mourir[2].