Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ainsi les propos d’amour et les phrases de caractère, Florence Marsh était à l’arrière, occupée à rendre un peu de courage à Andriana Bonaccorsi. La future vicomtesse de Corancez tournait le dos à la ville, les yeux fixés obstinément sur le sillage :

— « J’ai la conviction, maintenant, » soupirait-elle, « que cette Gênes me sera fatale : Genova prende e non rende, comme on dit chez nous… »

— « Elle te prendra le nom de Bonaccorsi, et elle ne te le rendra pas, voilà tout, » répondait Florence, « et le proverbe sera justifié ! … Nous avons un autre proverbe, nous, aux États, que le président Lincoln citait toujours. Tu ferais bien de te l’appliquer une fois pour toutes, et tu te guérirais de tes ennuis. Il n’est pas très, très joli, surtout quand il s’agit d’un mariage, mais il est expressif : Don’t trouble how to cross a mud-creek, before you get there. Ne vous inquiétez pas de savoir comment franchir une mare de crotte avant d’y être arrivé… »

— « Mais si lord Herbert a changé d’idée et si la Dalila est dans le port avec mon frère ? Si les Chésy nous demandent à nous accompagner ? Si, au dernier moment, le vieux prince Fregoso refuse sa chapelle, après l’avoir promise ? … »

— « Et si Corancez dit non, à l’autel ? » interrompit Florence, « et s’il y a un tremblement de terre qui nous engloutit tous ? … Va ! la Dalila est bien tranquillement à l’ancre dans la rade de Calvi ou dans celle de Bastia. Les Chésy et mon oncle ont à visiter cinq ou six yachts d’Américains et d’Anglais ; et supposer qu’ils sacrifieront ce plaisir à