Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/27

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Cannes même, une princesse de la famille Royale d’Italie, qui, elle, avait pour motifs des exigences de rang autrement graves que la timidité devant un frère tyrannique. Mais chacun subit son caractère, et celui de la marquise était si craintif qu’elle voyait surtout dans cette union clandestine le recul indéfini de l’explication avec son frère. Elle redoutait ce dernier au point de trembler, même maintenant, à la seule idée qu’il pût la surprendre, quoiqu’elle sût ce redoutable gardien occupé à risquer sur le tapis vert, dans une autre pièce, quelques billets de mille francs, — tirés de sa bourse, à elle. — Alvise hasardait cet argent avec la réflexion et la prudence d’un habitué de tripot souvent échaudé par le jeu. Il ne se doutait guère que tout à côté une autre partie se jouait, d’une autre importance, et dans laquelle il s’agissait d’une fortune considérée par lui comme la sienne propre. Elle ne se jouait même plus, cette partie, elle était perdue, puisque le plan si pratiquement chimérique imaginé par Corancez pour créer entre la marquise et lui un lien irrévocable allait s’exécuter. Les deux amoureux venaient tout simplement de fixer le lieu et la date de leur mariage. — « Et maintenant, » concluait Marius, « rien ne va plus, comme disent ces messieurs de la roulette. Il ne me reste qu’à passer tant bien que mal ces deux semaines qui me séparent de mon bonheur… Je crois que nous avons pensé à tout… »