Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/356

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d’inexprimable épouvante et de pitié, un mystère encore dans le cœur de l’homme passionné qui, tour à tour, pendant cette mortelle demi-heure, l’avait insultée, humiliée, méconnue, puis comprise, acceptée, justifiée, plainte, et qui maintenant la maudissait. Elle avait bien deviné, d’après les confidences de Pierre, le reflux de sensualité haineuse qui bouillonnait dans son ancien amant. Elle s’apercevait maintenant de la vérité : par-dessous cette folie sensuelle et cette haine avait toujours germé, palpité, tressailli un amour sincère. Cet amour n’avait jamais pu se développer, grandir, s’épanouir, parce que jamais elle n’avait été pour cet homme la femme qu’il cherchait, qu’il désirait, qu’il pressentait. Cette femme, elle l’était aujourd’hui, grâce au miracle d’un amour inspiré par un autre. Quel martyre nouveau pour le malheureux ! Et elle lui disait, oubliant ses propres craintes, ses propres misères dans ce mouvement de compassion : — « Moi ! me réjouir de votre chagrin, Olivier ! … Moi ! penser encore à me venger de vous ! Vous n’avez donc pas senti combien j’étais sincère tout à l’heure et combien j’ai honte d’avoir seulement conçu une si coupable idée ! Vous n’avez donc pas senti non plus mon remords de mes coquetteries de Rome ! Vous ne comprenez donc pas que de vous voir souffrir ainsi me perce le cœur ! … »

Elle continuait, lui prodiguant des paroles de consolation, de supplication, de sympathie, quand, brusquement, il l’interrompit :