Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

a bien raison de préférer le désert. Est-ce la peine de quitter Paris pour venir en retrouver ici la caricature ? »

— « C’est une opinion de Parisien, cela, » fit le Provençal. De son échec final au plus désiré des clubs, il gardait à la grande ville une rancune qu’il soulagea en répétant : « Rastaquouères ! Rastaquouères ! … Quand vous avez proféré cet anathème, tout est dit ; et, à force de le prononcer, vous ne vous doutez pas que vous êtes en train de devenir, vous autres Parisiens, les provinciaux de l’Europe. Mais oui, mais oui… Qu’il y ait des aventuriers sur la Rivière, qui donc le nie ? mais aussi que de grands seigneurs ! Et ces grands seigneurs, sont-ce des Parisiens ? Non, mais des Anglais, des Russes, des Américains, voire des Italiens, qui ont tout autant d’élégance et d’esprit que vous, avec du tempérament sous cette élégance, chose que vous n’avez jamais eue, et de la gaieté, chose que vous n’avez plus. Et les étrangères que l’on rencontre sur cette côte ! Si nous parlions un peu des étrangères ? Et si nous les comparions à cette poupée sans cœur ni sens, à cette vanité en papier mâché qui est la Parisienne ? … »

— « D’abord, je ne suis guère un Parisien moi-même, » interrompit Hautefeuille. « Je suis un rural. Tu oublies que je vis sept mois sur douze dans mon paisible Chaméane et que mes pauvres montagnes d’Auvergne ne ressemblent guère au boulevard. Et puis, je t’accorde la seconde moitié de ton paradoxe : oui, quelques-unes parmi ces