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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/306

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Que l’on juge de ma position ! Je veux m’arrêter, mais c’est impossible, car deux des trois Cosaques ne sont plus qu’à quelques pas de moi, de sorte que, pour ne pas interrompre ma course et me laisser prendre, je suis obligé de faire dans mes pantalons. Heureusement, quelques pas plus avant, les arbres se trouvent plus rapprochés, les Cosaques sont gênés dans leur course et forcés de la ralentir, tandis que je continue du même pas ; mais arrêté par des branches d’arbres couchés dans la neige, je tombe de tout mon long, et ma tête reste enfoncée dans la neige. Je veux me relever ; mais je me sens tenu par une jambe. La crainte me fait penser que c’est un de mes Cosaques qui me tient, mais il n’en était rien, c’étaient des ronces et des épines. Je fais un dernier effort, je me relève, je regarde derrière moi : les Cosaques étaient arrêtés ; deux cherchaient un endroit afin de passer avec leurs chevaux. Pendant ce temps, je me traîne avec peine.

Un peu plus avant, je me trouve arrêté par un arbre abattu, mais je suis tellement faible qu’il m’est impossible de lever une jambe pour aller au-delà, et, pour ne pas tomber d’épuisement, je fus forcé de m’asseoir dessus.

Il n’y avait pas cinq minutes que je m’y trouvais, quand je vois les Cosaques mettre pied à terre et attacher leurs chevaux aux branches d’un buisson. Je pense qu’ils vont venir me prendre, et déjà je me lève pour essayer de me sauver, lorsque j’en vois deux s’occuper du troisième, qui avait un furieux coup de sabre à la figure, car il releva d’une main le morceau de sa joue qui pendait jusque sur son épaule, tandis que les deux autres préparaient un mouchoir qu’ils lui passèrent sous le menton et lui attachèrent sur la tête. Tout cela se passait à dix pas de moi ; pendant ce temps, ils me regardaient en causant.

Lorsqu’ils eurent fini de recoller la figure de leur camarade, ils marchèrent directement sur moi : alors, me voyant perdu, je fais un dernier effort, je monte sur le corps de l’arbre, je prends mon fusil qui était chargé, et je me décide à tirer sur le premier qui se présentera. Dans ce moment, je n’avais affaire qu’à deux hommes ; le troisième, depuis qu’on l’avait pansé, paraissait souffrir comme un damné, se promenait de droite à gauche, en levant les