la parole de toute la réalité qui saigne dans l’expérience
d’un homme, à si bien l’assouvir de ténèbres
vivantes que la clarté première de l’intelligence ne
s’y distingue plus du premier frisson de l’amour.
« C’est peut-être obscur ce que je dis, ajouta-t-il en
me regardant en dessous. Mais ai-je tort de croire
que chaque sensation est l’expression d’un corps
tout entier, c’est-à-dire d’une existence et qu’on
pourrait, à force d’ingénuité physique, anéantir en
elle l’opposition fatale de la pensée et de la vie ?
Une telle conviction mènerait loin ceux qui n’ont
pas trop le goût de la sécurité intellectuelle. Ils
n’auraient qu’à se garder d’une aberration funeste,
celle qui consiste à expulser de chaque sensation
tout ce qui ne contribue pas à en faire l’ornement
d’une idée générale ; chaque homme s’efforçant au
contraire de cristalliser la nouveauté de ce qu’il
éprouve en termes littéraires, donc, consubstantiels
à l’intelligence. Au lieu de nier leur expérience dans
une idée préconçue de sa signification, ils y mettraient
de plus en plus profondément la sensation
en rapport avec elle-même, ils l’éclaireraient de
toutes les virtualités qu’un homme met en jeu,
élargissant dans les limites de l’envoûtement poétique
le domaine ou la matière ne fait qu’un avec
l’esprit. Et faisant payer peut-être à l’esprit, cria-t-il,
la rançon de cette union.
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