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Page:Bousquet - Iris et petite fumée, 1939.djvu/34

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nommiez Iris, en la laissant où elle est, dans votre esprit d’enfant qu’elle m’éclaire si bien ? »
Il leva les yeux vers les façades voisines d’où la lumière se retirait. Mon regard y rencontrait un crépuscule tremblant, l’image d’une inquiétude qui n’appartenait dans mon cœur qu’à la plus inexprimable tendresse. Ce qu’on voyait semblait si loin qu’on n’aurait pu le décrire qu’avec des pensées. Je ne reconnus pas ma voix quand je lui demandai pour la deuxième fois de me parler d’Iris.
« Iris aura dormi ma vie », me répondit-il brusquement, comme pour se débarrasser d’une question importune. Mais un médecin n’est pas homme à se contenter d’une image. Je m’enquis avec une insistance affectueuse de ce que ses dernières paroles signifiaient et comme il prenait le parti de se taire, je lui demandai carrément pourquoi Iris avait dormi sa vie :
« La nuit l’attendait partout, soupira-t-il, dans mon amour et jusque dans le cœur d’un homme triste qui ne pouvait pas s’approcher d’elle sans devenir la bête noire de ses propres regards.
« Je vous assure que c’est un grand malheur pour un infirme de devenir amoureux. J’ai été victime d’un accident, vous le savez, qui fait de moi un monstre. Mais vous êtes-vous clairement mis en