Page:Bousquet - Iris et petite fumée, 1939.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10

sur le ventre pendant qu’il était soldat, il avait paru plus commode de le décorer que de le guérir.


Un jour je me suis mis en peine de savoir si l’expérience de Monsieur Sureau ne renfermait pas un enseignement qui dépassât ma profession.
À ce moment-là il vivait comme tout le monde ; et je m’étais quelquefois demandé à quoi il s’exposait en se divertissant si totalement de son malheur. Jeté dans le plâtre par sa blessure, il avait retourné sa pensée contre la vie dont il la tenait. Et déjà le don que je lui reconnaissais d’être le spectre de ce qu’il y avait de plus indéniable en lui me faisait peur. Souvent, dans les conversations qui nous penchaient sur ses douleurs physiques, il m’avait paru perverti dans son souffle parce que le refus de ce qui le faisait homme avait corrompu son désir et ne rouvrait en lui-même les sources de l’invention que dénaturées et mortellement opposées à ce monde. Avait-il assez souffert pour arriver à le comprendre ? Un jour, je le pris par le bras et, avec un accent aussi convaincu que possible, je lui criai dans la figure :
« Je m’explique de moins en moins que vous ayez cessé d’écrire. Quels beaux poèmes vous auriez