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cœur à ce coin de quartier où mon rêve avait tué le rêve. À chaque instant j’allais avec mes sens au fond de la douceur de vivre, j’entendais, j’y voyais… Nulle part il n’y avait de place pour ce qui n’était pas et ma chair, à elle seule, était tout le songe. Le sort de l’homme émergeait de l’ombre avec les périls d’un soir si pur qu’il était l’existence même et toute l’existence à lui seul.
Je ne m’alarmais pas de trouver mon histoire tout écrite dans l’éclat inusité d’une vision qui pour moi, soudain était tout. Si je pensais à ma femme je voyais l’univers sortir de son apathie pour m’aider à pénétrer le sens de ma présence, pour découvrir dans certains de mes souvenirs un principe à mes sentiments dont il tenait la clef. Ainsi le monde où je m’avançais était mon amour un peu plus que je n’étais moi-même. Ce monde m’avait surpris dans mes jours pour me mener en lui vers l’oubli de l’oubli.