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la terreur en macédoine

ondulations successives et très douces, va s’abaissant jusqu’à la Sitnitza. On aperçoit de loin la rivière qui serpente comme une coulée d’argent.

L’escorte paraît vouloir accompagner indéfiniment le petit groupe. Et cette persistance à rendre des honneurs plutôt gênants devient un véritable supplice pour la jeune femme et les trois hommes.

Nikéa veut en finir. D’un geste coupant, elle trace une ligne imaginaire sur le sol et fait arrêter tout le monde. Elle traverse cette ligne et, d’un mouvement impérieux de la main, ordonne aux Albanais de reprendre le chemin des montagnes.

Persuadés qu’ils ont accompli, suivant les formes de l’antique usage, le rite sacré, les bandits obéissent avec un respect étrange et touchant, issu d’une superstition aussi vieille que leur race. Ils s’éloignent lentement, comme à regret, Marko le dernier.

« Au revoir ? dit-il de son ton arrogant à Joannès.

— Au revoir ! » répond avec sa fermeté si calme le jeune Slave.

Ils se tournent brusquement le dos, et s’en vont, l’œil plein d’éclairs, le cœur gonflé de haine.

« Enfin seuls ! murmure Nikéa.

— Oui ! seuls !… sur le chemin du nid dévasté.

— Vite !… vite !… en avant ! commande avec une autorité affectueuse Michel.

— Tu as raison ! ces gredins n’auraient qu’à se raviser et revenir…

— Et puis, il y a cet uniforme turc qui nous brûle la peau !… Nous ne serons en sûreté que revêtus de nos chers vêtements de travailleurs.

— Et nous n’avons même pas le loisir de te remercier, chère sœur, toi qui nous as sauvés !