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la terreur en macédoine

Puis, sans prévenir personne, tout poudreux, noir de fumée, il s’en va, courant, vers son palais. Il pénètre en tempête dans la salle où se tiennent, en permanence, les aides de camp. Parmi eux est Ali, son âme damnée, qui a remplacé son ancien lieutenant, Mathisévo, tué par les patriotes à Salco.

Glorieux, épanoui, l’ancien porte-bannière se présente sous l’aspect d’un colonel récemment promu, mais doré et chamarré sur toutes les coutures.

C’est à peine s’il reconnaît, sous l’enduit de fumée, son bey, dont les yeux infiltrés de bile et striés de sang ont un regard atroce. Il se lève, salue militairement et attend.

« Ali ! s’écrie Marko, il me faut, sur l’heure, trois cents hommes d’élite… des fantassins… plus cinquante cavaliers… tu entends, sur l’heure !

— Oui, Excellence !

— Prends le commandement… pars pour Lopat… un nid de rebelles qu’on m’a signalé… fouille toutes les maisons… interroge tous les habitants… grands et petits… cherche partout, au près et au loin… je veux savoir ce qu’est devenu Joannès !… Oui, ce maudit, et ceux qui l’ont arraché de Koumanova… »

Sa voix, qui vibrait tout à l’heure encore en éclats de cymbales, a maintenant des inflexions étranges que l’Albanais ne connaît pas. C’est comme un ricanement d’hyène… de fauve buveur de sang qu’enfièvre la curée prochaine.

« Je ferai pour le mieux, répond Ali, c’est-à-dire l’impossible.

« Mais si les gens ne parlent pas ?

— Tu as tous les moyens pour leur ouvrir la bouche !