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la terreur en macédoine

digieux qui fait de lui un véritable homme de guerre, il devine cet énorme mouvement de troupes ordonné par Marko. La houle humaine, qui déferle depuis la frontière, sème partout l’incendie et la mort, ne laissant derrière elle que des débris calcinés et des cadavres mutilés.

Cependant les Patriotes se dirigent aussi vite que possible vers Prichtina. Marchant sans trop se cacher, évitant les agglomérations, ils suivent des sentiers abrupts et ne rencontrent personne. Ils sont, comme l’on sait, vingt combattants, y compris Joannès et Nikéa. Chacun d’eux porte quatre bombes et quatre cartouches de dynamite, dans le sac-musette dont on ne se sépare jamais. Ils se sont uniformément coiffés du tarbouch rouge à gland noir, sage précaution qui, avec leur tenue moitié civile, moitié militaire, peut à la rigueur les faire prendre pour des rédifs[1].

Ce projet d’aller à Prichtina et d’y demeurer caché peut de prime abord sembler insensé. Surtout avec la police turque, si habile. Mais il faut savoir que les patriotes ont partout des amis dévoués jusqu’à la mort à l’œuvre de libération. Ils trouveront certainement là-bas un concours efficace et une sécurité complète.

Le difficile est d’y arriver. La distance n’est guère que de soixante kilomètres. Elle n’a rien d’effrayant pour ces intrépides marcheurs, qui comptent bien la franchir en douze ou quinze heures, sauf, bien entendu, le cas d’événements contraires.

La plus grande partie se passe sans incidents, et

  1. Soldats de la réserve, dont l’uniforme se compose parfois de haillons pittoresques, d’un tarbouch, d’un sac et d’un fusil.