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la terreur en macédoine

liens. Sa vaste poitrine se dilate, ses membres puissants se contractent, il aspire une large gorgée d’air et pousse un rauque soupir. Il veut se lever, se mouvoir… n’ayant pas encore conscience de la réalité. Ses paupières s’ouvrent.

Il est étendu sur le dos et, d’un regard aussi rapide que la pensée, ses yeux aperçoivent l’azur si pur de ce ciel grandiose, sur lequel se découpent les montagnes. Un soleil admirable baigne les cimes blanches… les hirondelles se poursuivent avec leurs petits cris incisifs et joyeux… les jeunes feuilles tremblotent aux arbres…

Jamais la nature ne lui parut si belle ! Jamais cette griserie de l’air natal ne fut plus subtile ! Une lueur de sensibilité adoucit ses prunelles de fauve, quand son regard se trouve invinciblement attiré par le flamboiement des baïonnettes.

Il voit les Patriotes sombres, résolus, implacables, et comprend tout. C’est la fin de ce rêve d’or. C’est la chute irrémédiable du haut de ce piédestal où l’avait hissé son audace et où le maintenait sa férocité !

Il s’écrie d’une voix rauque :

« Joannès !… les rebelles !… je suis perdu !

— Oui, Marko, tu es perdu et rien ne peut te sauver.

— Vous êtes les plus forts… assassinez-moi !

— Nous sommes des justiciers et non pas des bourreaux !

— Bah ! des mots, tout cela !… Assassinez-moi et finissons-en !

« À ta place, Joannès, j’en ferais autant, et je n’y mettrais pas de telles façons…