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la terreur en macédoine

« Je pouvais te tuer, je me suis contenté de te rendre à jamais inoffensif, Je te laisse, avec la vie, une porte ouverte au repentir !

« Adieu ! tu as versé des torrents de sang… tu as brisé nos âmes… tu as été le bourreau de notre patrie… nous te pardonnons !

« Adieu ! Puisse Marko l’aveugle faire oublier Marko le Brigand ! »

Le léopard, à demi étranglé, a repris ses sens. Il voit son maître anéanti, sans regard, la face sanglante. Et le féroce animal éprouve un sentiment de pitié pour le seul être qu’il aima. Il veut se rapprocher de lui et, ne pouvant y parvenir, gémit plaintivement. Silencieusement, Joannès coupe ses liens et commande :

« Frères !… en retraite… nous n’avons plus rien à faire ici…

« Retournons nous jeter à corps perdu dans l’ardente lutte qui sera le salut de la Patrie !

« En avant, frères, pour la Macédoine libre ! »

Tous poussent un cri vibrant :

« Vive la Macédoine libre ! »

Alors, mettant l’arme à l’épaule, ils franchissent la porte de fer et quittent le repaire du Brigand mutilé. Au moment de sortir, Joannès tourne la tête. Il voit Marko accroupi, sous ce grand soleil qu’il ne verra plus. Près de lui, le léopard lèche doucement les yeux sans regard d’où suintent les deux ruisseaux rouges… les larmes de sang, les premières que versa Marko le Brigand !


FIN