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la terreur en macédoine

Il s’appuie fièrement sur son martini, et sa silhouette altière se découpe en vigueur sur le firmament clair, comme une statue de porphyre.

Du point élevé où ils se trouvent, les trois prisonniers embrassent d’un coup d’œil l’attaque et la défense. Et c’est là un spectacle vraiment tragique dont l’action se prépare terrible. Quant au dénouement, qui peut le prévoir ? Et ce dénouement leur importe peu, d’ailleurs, puisqu’ils n’ont à espérer, du vainqueur, quel qu’il soit, ni grâce ni merci !

Résolument, les Turcs achèvent l’escalade. Hérissée d’armes scintillant au grand soleil, leur troupe forme un ruban capricieux qui festonne sur l’abominable chemin bordant l’abîme. Sur l’esplanade et derrière les remparts, les Albanais, arc-boutés à de puissants leviers engagés sous des rocs, attendent l’ordre du bey.

Vingt coups de feu saluent l’apparition de Marko. Pas un seul ne l’atteint. Téméraire, intrépide et railleur, il agite, en signe de bravade, son arme.

Puis il crie d’une voix retentissante qui domine le tumulte :

« Vous m’attaquez sans motif et sans sommation… c’est là une trahison et une félonie…

« Aussi, moi Marko, bey de Kossovo, descendant des princes d’Albanie, je vous déclare traîtres et félons au vieux pacte d’amitié…

« Ma justice vous condamne à mort, et ceux de mon clan vont vous exterminer !

« À moi, mes braves ! et à mort !… à mort ! »

Cette insolente sommation, cette menace qui semble une fanfaronnade remplissent les Turcs de stupeur et de colère. Eh quoi !… ce demi-sauvage oserait s’in-