Page:Boutmy - Des rapports et des limites des études juridiques et des études politiques.djvu/12

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liste et passif ? Formé à l’école de l’histoire ainsi comprise, ne se montrera-t-il pas incertain de ce qu’il doit désirer, certain que tout est emporté par des courants hors de proportion avec l’homme, convaincu que tout s’accomplira dans le sens de l’excédent donné par la balance des forces et que l’intervention de l’individu ne peut rien changer au résultat ; enclin, en fin de compte, à laisser faire et à ne rien faire ? L’histoire, a dit un publiciste célèbre, nous change en pierres. N’acceptons pas cette condamnation. Peu d’histoire nous livre au fatalisme, plus d’histoire nous en dégage, beaucoup d’histoire nous ramène à cette croyance fortifiante que l’individu peut concourir efficacement au progrès. La quantité de force dont il dispose par lui-même est presque nulle. Immense est celle qu’il peut tirer des choses, en faisant dévier imperceptiblement, je suppose, le cours d’une énergie naturelle, en sorte qu’elle s’oppose à une autre énergie qu’il y a intérêt à annuler. − Natura non nisi parendo vincitur. Mais, par cette voie, la force d’un enfant maîtrise la nature. Ne nous dissimulons pas toutefois que le péril existe, et que le cas doit être prévu, où l’étude incomplète de l’histoire engendrerait chez l’homme d’État une défiance de soi-même et une inertie résignée, également mortelles au progrès. Nul doute que cette tendance fâcheuse ne trouve dans les enseignements à principes absolus un utile contrepoids. À ce titre, l’enseignement juridique a exercé et pourra exercer une action bienfaisante sur l’éducation politique, mais à la condition qu’on ne perde pas de vue la valeur toute relative du correctif, et qu’on lui demande seulement de tendre le ressort et de renouveler l’impulsion, non de remplacer l’histoire dans la direction de l’esprit voué à l’étude des sciences d’État.

Entre ces deux groupes principaux — droit civil et histoire — qui marquent les centres de gravité des études juridiques et des études politiques, flottent et oscillent des groupes secondaires et mixtes, dont il importe de déterminer le siège normal et le lien avec l’un et l’autre systèmes. Il y en a trois qui ont déjà leur place faite dans les Facultés de droit : le groupe historico-juridique, le groupe économique et le groupe de droit public.

L’histoire n’est guère représentée dans les Facultés de droit que par les cours d’histoire du droit, de droit romain et de droit coutumier, dont les deux premiers seulement figurent dans les études de licence. Le cours d’histoire du droit, qu’on médite d’abréger encore, n’a pas assez d’ampleur pour contenir autre chose qu’une étude superficielle des sources. Il en est différemment du cours de droit romain. C’est la partie la plus savante de