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DES ÉTUDES JURIDIQUES ET POLITIQUES.

l’on ne s’aidait pas de l’étude du passé. Ce droit en effet a beaucoup des caractères d’un droit coutumier. Il s’accroît ou s’énerve, se précise ou se transforme, par le jeu même des forces sans supérieur dont il exprime les rapports. — Aussi, qu’est-ce qu’un cours de droit constitutionnel séparé soit de l’histoire de la formation progressive de l’État, soit de l’histoire parlementaire et législative ; un cours de droit des gens séparé de l’histoire diplomatique et de l’histoire militaire ; un cours de droit administratif séparé de l’histoire politique et économique du pays ? — Des enseignement murés et sans horizon ; l’histoire seule leur ouvre des issues et de perspectives. Le droit public a un caractère en quelque sorte enclitique ; ce qu’il a d’accent est toujours reporté sur une science voisine. Il n’a pas de consistance à lui seul et a besoin d’être soutenu d’une part ou de l’autre. Le droit privé lui a fourni sa langue. L’histoire seule peut éclairer le sens, la portée l’avenir des institutions politiques et de la loi internationale.

Ce droit, d’une nature si spéciale, quelle empreinte et quel pli reçoit-il sous la discipline des deux groupes scientifiques dont il est le voisin et le client ? Les considérations qui précèdent ont répondu implicitement à cette question. Le droit privé est enclin à dire : justice quand même. L’histoire dit : intérêt de l’État, formule plus large où la justice est comprise, mais n’est pas seule. Le droit privé enseigne à détacher chaque question pour la résoudre ; l’histoire ne présente jamais les questions que jointes et encadrées dans des ensembles. Le droit privé exalte la vertu d’un texte, du commandement écrit dans la loi ; l’histoire en proclame l’infirmité. Le droit privé est content de son œuvre quand il a établi un accord logique entre des principes abstraits ; l’histoire n’a jamais rencontré qu’un équilibre précaire entre des forces mouvantes. Le premier prend fièrement possession d’un avenir illimité ; la seconde nous montre, étroitement bornés, la clairvoyance et le pouvoir de chaque génération ; elle conseille modestement de faire une part même à l’empirisme. Le droit privé tend à poser partout un problème d’idéologie et de dialectique ; l’histoire ne voit partout qu’un problème de psychologie. Ce parallèle, qu’il serait superflu de prolonger, caractérise clairement les deux influences contraires qui s’exercent sur le droit public. L’effet en deviendra sensible que par quelques exemples, qui nous ramènent à notre distinction initiale du jurisconsulte et du politique.

La constitution de 1875 a eu à organiser le pouvoir exécutif. Dans quels termes s’est présenté le problème pour un constituant que je suppose formé par un long et exclusif commerce avec le