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Page:Boutrais - La Grande Chartreuse (Nouvelle édition refondue et mise à jour), 1930.djvu/27

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L’Arrivée. Currière.

ces quelques jours de repos à l’Obédience du Désert, située dans les limites de la Grande Chartreuse, au pied des roches d’Arpison : on y jouit d’une vue admirable sur la plaine de Saint-Laurent et le cours des deux Guiers. C’est, remarque Tracy[1], le seul adoucissement que puissent avoir les Prieurs de Chartreuse, au milieu des montagnes et des neiges où ils passent leur vie.

Depuis 1876 jusqu’à leur expulsion en 1903, les Chartreux entretinrent à Currière une école de sourds-muets. « Les solitaires de la Grande Chartreuse, écrivait l’un d’eux en 1816, s’étoient chargés, depuis plusieurs siècles, de l’éducation de douze enfants pauvres ou orphelins qu’ils nourrissoient et entretenoient. On les occupoit d’abord à filer la laine ou à dévider du fil, et quand ils avoient acquis les forces nécessaires, on leur faisoit apprendre un métier qui les rendoit capables de gagner leur vie et d’être utiles à la société. Les uns prenoient celui de charpentier, charron, menuisier, bourrelier ; les autres, celui de mareschal, serrurier, boulanger, tailleur, tisserand, cordonnier ; ceux-cy, celui de masson, tuillier, tanneur, ferblanquiers ; quelques-uns apprenoient la pharmacie, et s’il s’en trouvoient qui eussent l’esprit ouvert pour des sciences plus relevées, on les faisoient étudier. Quand ils étoient formés à quelqu’un de ces métiers, ils alloient l’exercer où bon leur sembloit et étoient remplacés par d’autres. Tous ces genres de travaux s’exer-

  1. Tracy, op. cit., p. 392.