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Page:Boutrais - La Grande Chartreuse (Nouvelle édition refondue et mise à jour), 1930.djvu/66

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XIIe siècle. Premiers désastres.

du milieu des décombres respirait encore, ce qui fut une grande joie pour tous. Il se nommait Audouin, natif de Lorraine. On le transporta dans le petit cloître bâti près de l’église et, sans tarder, on l’approcha du feu : bientôt, il reprit ses sens et reconnut ceux qui l’entouraient ; il ne prononça que quelques paroles, mais empreintes d’une merveilleuse douceur, d’une grande tendresse : il demanda Dom Prieur, lui fit sa confession, reçut sa pénitence et ensuite l’extrême-onction. Il embrassa ses frères, puis, après qu’on lui eut donné le saint Viatique, s’endormit doucement dans le Seigneur[1]. » C’était un jeudi, le 3 des nones (11) de février, et ce jour-là, après quarante-huit années d’existence, finit la première maison de Chartreuse.

Le 30 janvier au soir, Guigues quitta le lieu du sinistre, laissant étouffés sous la neige sept de ses religieux, puis, l’âme en proie à la plus amère tristesse, vint se réfugier à la Correrie, où logeaient le Père Procureur et les frères convers. Guigues se montra aussi grand dans l’adversité que dans la prospérité, et, plein de courage, s’occupa sur l’heure même de ce qu’il y avait à faire. Les souvenirs les plus touchants se rattachaient au premier monastère. Fallait-il donc le reconstruire au même endroit, ou, ce qui paraissait plus sage, n’était-il point nécessaire de le mettre ailleurs à l’abri des avalanches ? Guigues, écoutant sa raison plus que son cœur, se détermina pour ce dernier parti. L’oratoire de Saint-Bruno et la petite église de Notre-Dame de Casalibus, épargnés

  1. Le Couteulx, ad ann. 1132.