Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/127

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et cette réduction aura, métaphysiquement, une influence rétroactive sur les sciences. Elle réduira leurs objets à des abstractions sans base. Les concepts scientifiques, intelligibles comme mesure de la réalité, perdront toute signification, si l’on veut que la mesure ne mesure finalement qu’elle-même. On aboutira ainsi au nihilisme. Ou - comme second terme de l’alternative - on ne poursuivra la résolution que jusqu’à un certain point, ainsi que font les sciences. En ce cas, la science que l’on constituera sera aussi légitime que les autres. Mais, comme les autres, elle laissera subsister l’esprit, et avec lui la possibilité d’une métaphysique spiritualiste.

Pour conclure, la psychologie sera singulièrement restreinte et bornée, si elle élimine réellement toute notion d’âme, si elle renonce à accepter un postulat spécial. En fait, la notion d’âme intervient constamment dans les explications en apparence mécaniques que l’on donne des phénomènes. En effet, les réactions que l’on attribue à l’être psychique ne sont pas de simples réflexes propres à réaliser la vie. Elles sont de nature à procurer la science et, par la science, l’empire sur les choses. L’être doué d’une âme n’est pas seulement une fin, comme l’être doué de vie : il est capable de se proposer une fin et d’imaginer des moyens propres à la réaliser. I1 peut se proposer comme fin, non seulement sa propre existence, mais une infinité d’objets qui n’y tiennent que peu ou point. Il peut aller jusqu’à se proposer des fins absurdes, telles que le néant. S’il en est ainsi, il y a en quelque sorte deux psychologies, quoique la séparation n’en soit pas précise. Il y a la psychologie proprement humaine, laquelle ne peut faire abstraction de la faculté de réflexion qui constitue l’homme. Il y a en second lieu [123]