Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/24

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à l’expérience, mais c’est l’esprit qui le forme. Or il est incontestable que nos raisonnements sont susceptibles d’être en accord avec les faits ; quand ils sont en désaccord, nous estimons, non que le raisonnement est un instrument vicieux, mais que des données nous manquent, que la base dont nous disposons est trop étroite. Il y a donc dans les choses des relations qui, en un sens, correspondent à l’enchaînement syllogistique. Il y a dans la nature quelque chose comme des classes d’êtres ou espèces, et quelque chose comme des classes de faits ou lois. Mais nous ne pouvons savoir a priori dans quelle mesure cette condition est réalisée ; le développement de la science peut seul nous en instruire. Tout ce que nous pouvons conjecturer a priori, c’est peut-être ceci. L’homme, apparemment, n’est pas un monstre dans la nature ; l’intelligence qui le caractérise doit avoir quelque rapport avec la nature des êtres en général. Il doit donc y avoir, au fond des choses, sinon une intelligence semblable à l’intelligence humaine, du moins des propriétés, des dispositions qui aient quelque analogie avec cette intelligence. Il est raisonnable d’admettre dans la nature comme une tendance vers l’intelligibilité. S’il en est ainsi, le raisonnement représente un mode d’interprétation, d’interrogation qu’il est légitime d’employer à l’égard de la nature.

Quelle est maintenant la signification des lois logiques ? La logique est, à coup sûr, le type le plus parfait de la nécessité absolue, mais elle présente un minimum d’objectivité. Elle régit la surface des choses, mais n’en détermine pas la nature ; elle demeure vraie, quelle que soit cette nature. La nécessité qu’elle implique sera sauvegardée, même si les êtres sont considérés comme doués de spontanéité, même si les êtres sont considérés