Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/48

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qu’elles ne sont autre chose qu’une expression et une projection des lois de l’esprit lui-même ? Entendus en un sens idéaliste, les concepts dont se composent les lois mécaniques échappent aux contradictions qui apparaissent quand on les entend dans un sens réaliste. Ainsi l’espace, forme de la sensibilité, n’est plus contradictoire comme l’espace existant en soi. La causalité mécanique liant des représentations ne prête plus aux objections que soulève cette causalité conçue comme liant des choses. Mais l’idéalisme ne réussit pas à se maintenir ; et, à mesure qu’il serre le problème de plus près, il est réduit à admettre en lui des éléments destructeurs. En principe, l’idéalisme consiste à expliquer l’inconscient par le conscient, les choses par la pensée. Mais l’histoire de la philosophie nous montre comment il est contraint, pour expliquer le donné, de faire appel à l’inconscient et de lui faire une place à côté ou même au-dessus du conscient. Chez Kant, au sein même de l’intelligence apparaît le jugement synthétique a priori que l’intelligence est obligée d’accepter comme une sorte de fait métaphysique, sans le comprendre véritablement. Fichte, sous le moi conscient, place le moi absolu, de qui l’activité précède l’intelligence, et c’est cette activité qui, subissant un choc inexplicable, explique le moi comme le non-moi. Chez Schelling, l’absolu deviendra l’identité du moi et du non-moi ; chez Hegel, l’identité des contradictoires, scandale pour la pensée. Ainsi, de plus en plus, le moi est poussé à sortir de lui-même et à recourir à quelque principe hétérogène ; de plus en plus, l’idéalisme se renie et se rapproche du réalisme.

Si donc les lois mécaniques n’existent pas objectivement, elles ne sont pas non plus de simples projections de l’esprit conscient. Elles attestent l’existence de