Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/62

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il y a quelque chose qui s’y conserve. Ce quelque chose variera, selon que ce système sera conçu comme formé de forces mécaniques, ou physiques, ou chimiques.

Le concept de permanence reste à expliquer. Helmholtz dit à cet égard qu’il ne s’agit pas de décider si réellement tous les faits peuvent se ramener à des causes constantes, mais que la science, en tant qu’elle veut concevoir la nature comme intelligible, doit admettre la possibilité d’une telle réduction, ne fût-ce que pour acquérir la certitude irrécusable que nos connaissances sont limitées (Mém. sur la conservation de la force, Introd.). Le principe de la conservation de la force est donc, pour la science, une idée directrice. Mais rien ne garantit que cette loi soit, telle quelle, inhérente à la nature des choses. Cette loi, sous sa forme utile, n’est pas connue a priori, elle ne s’impose pas à la pensée. Elle a été découverte à force d’expériences et d’analyses, et ainsi elle est essentiellement expérimentale et inductive. Elle a quelque chose d’artificiel, comme toute induction, et il est difficile de la concevoir comme absolue. En effet, soit un ensemble de forces. Ou ce système, présente des solutions de continuité, ou il est clos de toutes parts. S’il est ouvert aux influences extérieures, celles-ci pourront contrarier la loi laquelle, dès lors, ne se réalisera que dans la mesure où les influences extérieures seront faibles et négligeables. Si, au contraire, le système est fermé, la loi de conservation ne se conçoit que comme coexistant avec quelque cause de changement. Pour que l’énergie se conserve à travers les changements, il faut qu’il y ait des changements. Et si l’on veut concevoir les choses dans leur réalité, on ne pourra séparer l’une de l’autre la conservation et le changement, comme on sépare les